Le succès de l'opération Serval au Nord-Mali en janvier 2013, quarante-neuvième intervention militaire de la France dans son pré carré africain, a dépassé toutes les attentes. Ses soldats y ont été accueillis en libérateurs tandis que des intellectuels africains de renom, jusque-là peu suspects de complaisance à l'égard de la Françafrique, se sont bruyamment réjouis de son action, jugée énergique et courageuse. On peut comprendre ce soulagement, car il était impératif de mettre hors d'état de nuire la coalition des responsables du sanglant chaos malien. Mais la haine envers ces derniers n'a-t-elle pas ramené un conflit complexe à une banale lutte entre le Bien et le Mal ? C'est à cette question que s'efforcent de répondre Aminata Dramane Traoré et Boubacar Boris Diop dans un échange de lettres stimulant et franc. La Gloire des imposteurs met en évidence une reprise en main néo-impériale de l'Afrique subsaharienne par une violente agression militaire se présentant comme une odyssée morale, généreuse et désintéressée. Mais, un an après, il y a lieu de se demander si, comme l'Amérique de Bush en Irak, la France n'a pas pavoisé un peu tôt au Nord-Mali où elle est en train de s'embourber. Au-delà du Mali, véritable cas d'école, les deux auteurs partagent leurs réflexions sur l'énigmatique printemps arabe et sur les guerres de l'Occident hors de ses frontières, en particulier en Afrique - Côte d'Ivoire, Libye... Et chaque conflit leur offre l'occasion de mettre à nu les mécanismes de la même triomphante imposture.