Le plus insupportable dans la perte, serait-ce la perte de vue ? Annoncerait-elle, chez l'autre, l'absolu retrait d'amour et, en nous, l'inquiétude d'une infirmité foncière : ne pas être capable d'aimer l'invisible ? Telle est la question que déploie ce livre qui s'ordonne selon trois axes. Il décrit d'abord quelques formes du refus de la perte - de l'apathie à la réaction thérapeutique négative en passant par l'amour de la haine. Il analyse ensuite les modalités de la croyance pour reconnaître l'essence «profane» de la psychanalyse. Il insiste enfin sur la mélancolie active du langage qui, en s'éloignant du visible, porte en lui la défaite du culte de l'image. Les chemins empruntés sont divers. Le lecteur y rencontre le doux Oblomov et la Gradiva rediviva, Sartre et André Breton, Freud et Winnicott, le curieux oiseau de Léonard et les mots incertains de l'autobiographie. Si la psychanalyse est ici tout au long présente, ce n'est pas comme regard théorique mais à l'horizon, à perte de vue : là où nos yeux ne pouvant plus rien saisir transmettent leur trouble à la pensée.