" Mon papa était docteur. Il soignait les gens, des gens pas riches, qui souvent ne le payaient pas, mais ils offraient un verre en échange, parce que mon papa, il aimait bien boire un coup, plusieurs coups même, et le soir, quand il rentrait, il était bien fatigué. Quelquefois, il disait qu'il allait tuer maman, et puis moi aussi, parce que j'étais l'aîné et pas son préféré. Il était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait beaucoup bu. Il a jamais tué personne, mon papa, il se vantait. "
C'est l'histoire d'un papa singulier, racontée par son fils sur le mode de la simplicité et de la naïveté. Un papa qui est docteur dans une ville de province, qui soigne des gens qui ne le payent pas mais lui offrent toujours à boire, un papa qui finit ses journées fatigué et saoul, plus porté sur la bouteille que sur l'ordonnance, un papa qui se cache derrière le piano de son cabinet, blagueur insupportable, à la fois j'menfoutiste et irresponsable, distrait, oubliant sa voiture dans un champ de betteraves, un papa colérique qui menace de tuer la maman...
Voilà un récit vif et amusant, cruel, tout en délicatesse et sensibilité, qui avance en bonds et rebonds, au fil des souvenirs toujours plus précis, plus implacables sur le père, sublime figure tragi-comique. A la manière de Je me souviens de Georges Pérec, Jean-Louis Fournier raconte un père qui ne manque pas d'amour, qui se cherche longtemps, avant de se retirer, désabusé et désoeuvré, au coeur d'une famille pas comme les autres, où tout est drôle à force de noirceur, de drames sans cesse répétés, de gaucheries et de maladresses.