Les macaques crabiers du temple d'Uluwatu, en Indonésie, qui subtilisent les lunettes ou les tongs des visiteurs et ne les leur rendent qu'en échange de nourriture sont un exemple parmi tant d'autres des multiples comportements acquis par les animaux sous l'effet de leurs interactions avec les humains – et réciproquement. Bien connues pour certaines d'entre elles, récemment observées pour d'autres, ces relations anthropozoologiques suscitent aujourd'hui un regain d'intérêt, tant elles bouleversent la frontière entre nature et culture.
Pourtant, la volonté affichée de rompre avec ce " Grand Partage " ne s'accompagne d'aucun véritable dialogue interdisciplinaire entre sciences sociales et sciences de la vie. L'ambition de cet ouvrage est de franchir ce mur d'indifférence en articulant, sans réduction croisée, les connaissances accumulées en éthologie et en sciences cognitives à propos de la sociabilité et des cultures animales aux vues développées en sciences sociales à propos de l'être humain. Mais il invite également à reconsidérer l'hypothèse implicite que ces champs de recherche ont paradoxalement en commun. Car leur restriction conjointe de la notion de culture à des traits d'identité partagés occulte une dimension fondamentale : l'ajustement mutuel des différences.
En examinant les liens d'interdépendance entre les êtres situés dans un même espace écologique, qu'ils soient ou non de la même espèce, cet ouvrage développe une théorie profondément novatrice de l'émergence de la vie sociale et culturelle.
Sociologue, directeur de recherche au CNRS (GEMASS), Dominique Guillo est actuellement professeur associé à l'Université Mohammed VI Polytechnique (Ben Guerir, Maroc). Il a notamment publié Des chiens et des humains (Le Pommier, 2011).