Ce qu'il faut comprendre, c'est la mentalité très particulière de ces généraux, que j'ai côtoyés de près : pour eux, la vie des gens du peuple n'a rigoureusement aucune valeur, a fortiori quand ils ont manifesté des sympathies pour l'islamisme. Dès 1994, j'ai pu constater que les hommes du DRS avaient pris l'habitude de torturer et tuer leurs concitoyens comme s'il s'agissait de simples insectes. Entraînés dans ce déchaînement de barbarie, il devenait parfaitement logique que les généraux imaginent d'utiliser l'arme des massacres pour régler leurs problèmes " politiques " de 1997. Depuis janvier 1992, l'Algérie est en guerre. Version officielle pour contrer des islamistes fanatiques, une armée républicaine s'est mobilisée corps et âme. Version officieuse : une poignée de généraux corrompus ont mis leur pays à feu et à sang pour préserver leurs privilèges. Où est la vérité ? De nombreux témoignages ont déjà été publiés, affirmant l'une ou l'autre thèse, sans parvenir à trancher. Ce livre marque un tournant: son auteur, l'ex-colonel Mohammed Samraoui, ancien cadre de la fameuse " Sécurité militaire " algérienne, y révèle pour la première fois les ressorts secrets de l'une des guerres civiles les plus atroces du XXe siècle. Il a vécu, de ,l'intérieur, l'enchaînement diabolique qui a plongé l'Algérie dans l'horreur, faisant plus de cent cinquante mille morts. En désaccord avec ce qu'il voyait, il a choisi de déserter en 1996. Opposant résolu de l'islamisme radical, il n'a pas accepté les effroyables méthodes utilisées pour le combattre. A commencer par la plus stupéfiante d'entre elles : la manipulation, à un niveau insoupçonné jusqu'alors, des " groupes islamistes armés " [GIA] par ses chefs de la Sécurité militaire. C'est le cœur de son livre, qui relate dans le détail le dessous des événements clés de cette " seconde guerre d'Algérie " : des préparatifs du coup d'état de janvier 1992 aux massacres de 1997, en passant par l'assassinat du président Mohamed Boudiaf et les attentats de Paris en 1995