L'ouvrage que nous présentons au public lettré nous a été inspiré par l'amour de notre langue, devenu, dans la tristesse des temps, de la piété : notre langue, la seule chose vivante qui nous vienne des lointains du passé, et qui, plus que tout, a donné sa splendeur au nom de la France. Il n'a d'autre ambition que d'aider ceux qui l'aiment et désirent la connaître plus afin de la mieux chérir et la mieux honorer.
À ceux-là ne peut suffire la connaissance du langage présent, tel qu'il s'est fixé, à peine altéré depuis, au début du XVIe siècle. Pendant plus de six cents ans avant cette époque, il y eut une bonne langue française, qui a vécu vigoureusement et brillé d'un éclat magnifique. Répandue chez l'étranger, qui l'appréciait comme "la parlure la plus delitable", venait chez nous l'étudier, la pratiquait jusqu'à lire les poèmes de nos trouvères, elle a porté au loin l'émouvante grandeur de "la Geste Francor".
Peut-on laisser abolir un passé aussi prestigieux et souffrir que ce français, qui, au cours d'une si longue période, a traduit les émois et les passions de nos ancêtres, fixé leurs pensers et leurs rêves, demeure, plus morte encore qu'une langue morte, une langue enfouie dans la tombe de l'oubli ? Faut-il qu'elle ne s'anime et sourie que pour un petit nombre d'érudits, spécialistes du moyen âge, dont la plupart et non des moindres ne sont pas de chez nous ?