Il a laissé son nom à une rue de Manhattan ; il était le gourou des guitaristes de sa génération ; il a enregistré une trentaine d'albums. et vous ne le connaissez pas. Dave Van Ronk, le "chanteur blanc à la voix noire", a pourtant inspiré les plus grands, à commencer par Bob Dylan, qui lui "emprunta" la version la plus célèbre de "The House of the Rising Sun".
Avec malice et franc-parler, ces Mémoires retracent le parcours d'un amoureux du jazz et du blues qui se plonge, dès les années 1950, dans l'atmosphère bohème qui règne à Greenwich. Sur le ton modeste et grande gueule qui a fait sa légende, il révèle les débuts chaotiques de Bob Dylan, Joan Baez, Tom Paxton, Gary Davis, Simon & Garfunkel, Mississippi John Hurt. et tant d'autres. Ami généreux ou insupportable puriste, il se fait constamment piller et ne s'en plaint jamais ; même quand il reste dans l'ornière, à dépendre de contrats mesquins. Loser ? Van Ronk fait surtout figure d'incorruptible, au-dessus de la mêlée. C'est en tout cas dans cet esprit que Joel et Ethan Coen ont conçu le personnage principal de leur film, Inside Llewyn Davis, dont l'odyssée s'inspire de celle de Dave Van Ronk.
Avant d'inspirer aux frères Coen le personnage de Llewyn Davis, la légende de la folk music Dave Van Ronk signa une autobiographie débordante de verve.
Ce sens de la dérision, du beat (une équipée pétaradante entre Chicago et San Francisco rivalise d'embardées avec Sur la route) et de l'esprit des lieux (à Greenwich Village, on s'excommunie facilement, avant de se réconcilier durant des parties de poker arrosées d'hectolitres de bourbon) fait de Manhattan Folk Story un complément idéal aux Chroniques publiées par Dylan en 2004. Et restitue dans toute leur diversité les turbulences d'une période durant laquelle, entre le départ pour l'armée d'Elvis et l'ouragan Beatles, le folk fut la musique la plus authentiquement rock d'Amérique. (Bruno Juffin - Les Inrocks, novembre 2013)