Invasions de frelons asiatiques, de ragondins, d'ibis sacrés, de renouées du Japon. On entend souvent parler de ces nouvelles menaces pour l'environnement. Un raz de marée d'espèces venues d'ailleurs serait-il sur le point d'envahir nos villes et nos campagnes ?
Le thème scientifique de l'invasion biologique est très émotivement connoté, et l'auteur propose ici de le dépassionner. D'une part, les bouleversements écologiques observés dans des écosystèmes fermés, lacs ou îles, ne sont pas généralisables aux milieux plus ouverts.
D'autre part, les espèces invasives devraient-elles être considérées comme des espèces inutiles et contraires à l'écologie ? Et d'où vient cette conception étroite de la « nature » comme collection d'éco-systèmes bien ordonnés ayant existé de toute éternité ? Non seulement les espèces, animales ou végétales, ne cessent d'évoluer, mais les invasions correspondent à un ajustement du vivant au monde réel que nous avons façonné et dans lequel nous vivons aujourd'hui.
La clé du problème semble bien être dans la redéfinition d'une nature figée, idéalisée sur des bases erronées, au profit d'une nature en perpétuel renouvellement, sainement gérée et maîtrisée. Toutes les espèces « invasives » ne sont pas néfastes, et il importe, pour le bien de tous, d'accompagner les changements de l'environnement plutôt que de les combattre. La guerre des espèces n'aura pas lieu.
Jacques Tassin est écologue au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), à Montpellier.