Janvier 1896. Un corps expéditionnaire débarque dans la colonie italienne d'Erythrée. Il est composé de recrues de toute la péninsule, avec leurs histoires, leurs accents, leurs espoirs et leurs mille dialectes : l'anarchiste décidé à porter la sédition, le rêveur d'Afrique qui en mourra, le Major drogué et psychotique, le héros pressé d'affronter le désert, les caporaux cyniques et aussi le brigadier de carabiniers qui s'est engagé pour débusquer parmi les officiers un assassin d'enfants. Sur place, ils vont trouver une population indigène aux langues et aux coutumes bariolées, et des colons entre abrutissement alcoolisé et idéologie du progrès, une Africaine mi-sorcière mi-putain, et une Italienne à la beauté délicate et non moins malfaisante. Entre mille fils narratifs, on verra comment une paire de jumelles entraîne une collision entre les petits trafics des commerçants et les menées des espions du Négus, et l'on suivra le destin singulier d'un berger des Abruzzes au parler si obscur que personne ne le comprend : on l'oublie si souvent qu'il finira comme un des rares rescapés de la catastrophe finale, à cultiver son jardin sur les hauts-plateaux.
Car, tandis qu'une petite fille danse interminablement dans la poussière, toutes les trames, les amours pures ou perverses, les projets grandioses et les appétits grossiers convergent vers la terrible bataille d'Adoua, la première grande défaite d'une armée blanche devant des troupes africaines.
Carlo Lucarelli, l'un des plus grands auteurs de roman noir italien, livre ici une fresque captivante d'un monde en décomposition qui annonce le nôtre.
A la fois roman policier, récit de voyage, roman d'aventure et d'amour, La Huitième Vibration est surtout un grand roman, tout court.
Dès la première page, nous entrons dans l'atmosphère de cette Afrique, faite de chaleur, d¹humidité, de sueur, d¹insectes, d'odeurs, de bruits. (...) Il y a les dialectes des Erythréens, et des langues de tous leurs conquérants (Arabes et autres), mais aussi ceux des Italiens, qui amènent avec eux leurs cultures régionales. Lucarelli réussit à nous faire percevoir tout cela en mettant en jeu les sens du lecteur à travers une écriture évocatrice d'images et d'odeurs. Nous ressentons le malaise du climat, le malaise des regards de la population dont on ne perçoit pas les pensées. Nous entendons les sons d'une terre inconnu, c'est un roman choral où chaque personnage est le personnage principal parce qu¹il raconte son histoire au lecteur.