Les mensonges et la folle cupidité des banquiers (autrement dite « crise des subprimes ») les a jetés à la rue. En 2008, ils ont perdu leur travail,
leur maison, tout l'argent patiemment mis de côté pour la retraite.
Ils auraient pu rester sur place, à tourner en rond, en attendant des jours meilleurs. Ils ont préféré investir leurs derniers dollars et toute leur
énergie dans l'aménagement d'un van customisé, et les voilà partis. Ils sont devenus des migrants en étrange pays, dans leur pays lui-même, l'
Amérique dont le rêve a tourné au cauchemar. Tantôt ils se reposent dans un paysage sublime ou se rassemblent pour un vide-grenier géant ou
une nuit de fête dans le désert. Mais le plus souvent, ils foncent là où l'on embauche les seniors compétents et dociles : entrepôt Amazon, parc
d'attraction, camping. Parfois ils s'y épuisent et s'y brisent.
Partie pour écrire un long article sur le phénomène de société qu'ils incarnent, Jessica Bruder a passé trois ans à les rencontrer, à les suivre, à
parcourir des milliers de kilomètres avec eux, pour finir par vivre leur vie, de l'intérieur.
Parmi eux, il y a sa chouchou : Linda May, 69 ans, qui taille la route mais dont le rêve est de bâtir un jour de ses mains un géonef, de s'y poser,
et d'y couler des jours heureux.