Le grand nombre d'ouvrages qui ont été consacrés à Hitler pourrait laisser penser que cette première biographie française n'offrira guère de surprise à son lecteur. Or, il n'en est rien, car l'ouvrage de François Delpla innove radicalement, tant par sa méthode que par ses sources. Jusqu'à ce jour, en effet, la personnalité de Hitler avait été noyée sous la noirceur de ses crimes, et cette noirceur avait été projetée sur le moindre de ses actes, afin d'épargner aux historiens un élémentaire travail de lucidité. De vastes machines interprétatives - où le marxisme eut sa part, tout autant que le psychologisme - s'étaient efforcées de voir ses perversions, ou l'histoire lourde dont il n'aurait été que l'expression, plutôt que la cohérence folle de son esprit, de son projet. De fait, la formation d'Adolf Hitler, certes autodidacte, n'était ni nulle, ni insignifiante. Il avait conçu à partir de 1919 un dessein précis, et il le mit en oeuvre avec persévérance et habileté. Il serait bien vain de penser l'hitlérisme en résumant à des truquages grossiers la séduction qu'il exerça. Bref, pour la première fois, cette biographie prend Hitler au sérieux, c'est-à-dire au tragique.Cette biographie est donc un acte de foi dans la dignité de la science historique. Au crible de ses analyses, et comme le note Alexandre Adler dans sa préface, « l'histoire de ce terrible épisode n'est pas embellie. Elle est seulement plus solide ».