Ce livre du profeseur Jeab Ganigae "les origines de protectorat français en Tunisie (1861-1881) " se réfere essentiellement aux causes profondes de la colonisation. Il a eu le mérite de montrer la donne internationale du partage colonial, d'évoquer l'offre anglo-allemande de la Tunisie à la France, en marge du congrès de Berlin en 1878. De son côté, Bismarck souhaitait donner la Tunisie à la France, comme compensation à l'occupation de l'Alsace. En réalité, le congrès de Berlin mettait fin à la défense anglaise de l'entité de l'empire ottoman et ouvrait largement les perspectives de colonisation, de l'Europe qui s'industrialise et a désormais besoin de marchés.
Par ailleurs, l'analyse de l'endettement tunisien est magistrale. Les emprunts de 1863 et de 1865 devaient susciter la banqueroute et la mise en tutelle de la régence (1868-1870). Le système d'obligations et les mécanismes de l'emprunt sont étudiés avec précision. D'autre part, les intermédiaires, la spoliation des détenteurs des titres et les opérations d'escroquerie sont mises à nu.
Dans cet ouvrage de référence, le professeur Jean Ganiage détaille le procès de la colonisation : une campagne de presse se déclencha, fin septembre 1881, pour dénoncer «une guerre pour les affaires». Jules Ferry fut pris à partie par la droite. De nombreux journaux organisèrent une campagne politique. Le procès du journal «l'Intransigeant» éclaire la question. L'opinion française ne devait conserver de la conquête coloniale que «le souvenir d'affaires discutables, de tripotages cyniques, ourdis dans le milieu corrompu d'une cour orientale» (p. 435). Sans prendre position sur la question, le professeur Ganiage a eu le mérite d'étudier les dessous de l'opération et de prendre acte de la genèse d'un mouvement anticolonial français, qui se porte par la suite sur l'Indochine.