À Port-au-Prince, la violence n'est jamais totale. Elle trouve son pendant dans une « douceur suraiguë », douceur qui submerge Francis, un
journaliste français, un soir au Korosòl Resto-Bar, quand s'élève la voix cassée et profonde de la chanteuse, Brune.
Le père de Brune, le juge Berthier, a été assassiné, coupable d'être resté intègre dans la ville où tout s'achète. À l'annonce de la mort de ce père
qui lui a appris à « ne jamais souiller son regard », la raison de sa fille a manqué basculer. Six mois après cette disparition, tout son être refuse
encore de consentir à la résignation.
Son oncle Pierre n'a pas non plus renoncé à élucider ce crime toujours impuni. Après de longues années passées à l'étranger, où ses parents
l'avaient envoyé très jeune - l'homosexualité n'était pas bien vue dans la petite bourgeoisie -, il vit reclus dans sa maison, heureux de
rassembler ses amis autour de sa table les samedis.
Aux côtés de Brune et de Pierre ; d'Ézéchiel, le poète prêt à tout pour échapper à son quartier misérable ; de Nerline, militante des droits des
femmes ; de Waner, non-violent convaincu ; de Ronny l'Américain, chez lui en Haïti comme dans une seconde patrie, et de Francis, Yanick
Lahens nous entraîne dans une intrigue haletante. Au rythme d'une écriture rapide, électrique, syncopée, comme nourrissant sa puissance des
entrailles de la ville, elle dévoile peu à peu, avec une bouleversante tendresse, l'intimité de chacun. Tout en douceur, elle les accompagne vers
l'inévitable déroute de leur condition d'êtres humains. Russell Banks l'affirme dans sa préface à l'édition américaine de Bain de lune : « Ce qui
est indéniablement vrai des personnages de Lahens l'est indéniablement pour chacun d'entre nous. »