" A l'entendre, il fut un loup-garou, un énergumène, un vagabond errant dans l' «immense plaine des idées », et pourchassé de-ci, de-là, toute sa vie. Jeté comme par hasard dans le siècle dit des Lumières, prolétaire, autodidacte, râleur, maladif, marcheur infatigable, vivant avec une femme qui ne savait pas lire, il va pourtant bouleverser l'histoire de la pensée. Même la vie politique, même l'idée de révolution ne resteront plus en place après lui. Il m'irritait et me fascinait depuis longtemps, car nous n'étions d'accord sur rien, ni sur le théâtre bien sûr, ni sur les femmes, ni sur l'éducation, la culture, le pouvoir. Sur rien. J'avais donc envie de lui parler un peu de tout ça, et de l'écouter. Je ne me trompais pas. L'homme est étonnant, riche de surprises, d'obsessions, de drôleries, de délires. Comme prévu, nous nous sommes opposés, durement parfois. Il n'a pas changé d'avis, moi non plus. Mais quelque chose nous a réconciliés dans une paix, dans une beauté que rien ne dérange : assis au bord d'un lac, un soir, nous avons lu ensemble quelques pages qu'il a écrites, et sur lesquelles glisse le temps, sans les effacer." J.-C.C