On se trompe lourdement en croyant que l'émergence des multiples partis, groupuscules et sociétés de pensée d'extrême droite constitué en Europe un phénomène récent, dû à la crise économique, au chômage, à l'immigration ou encore à la fin des régimes communistes à l'Est. Pour la plupart, ces courants sont en effet enracinés dans nos sociétés depuis un siècle au moins - certains ont même été au pouvoir. Le déclenchement de la guerre froide leur a permis de se refaire une virginité dans les pays anciennement occupés comme dans ceux de l'Axe proprement dit. Le discrédit et la réprobation les ont longtemps marginalisés dans les opinions publiques, mais le temps a passé... Qu'elle se manifeste sous sa variante populiste ou fasciste, la présence de l'extrême droite - xénophobe ou franchement antisémite et raciste - est donc, de l'Italie à l'Ukraine, de la France au Danemark, de l'Autriche à la Belgique, des Pays-Bas à la Scandinavie, une donnée permanente de la vie politique et sociale de l'Europe d'après pierre : elle a, selon les circonstances et la personnalité de ses leaders, gêné ou favorisé les partis classiques ; elle a servi tantôt de repoussoir, tantôt de boîte à idées ; aujourd'hui, elle se fait fort de camper aux portes de certains gouvernements et à tout le moins perturbe gravement le jeu démocratique - en France notamment. Le regard de l'historien est indispensable pour saisir, dans un temps long (depuis 1945) et dans un espace élargi (l'ensemble du continent), les mouvements de flux et de reflux d'idées et de groupes qui ont en commun de rejeter l'humanisme des Lumières. Nul mieux que Pierre Milza, spécialiste du fascisme et du nazisme, auteur en dernier lieu d'un exceptionnel Mussolini, n'était mieux placé pour le faire. Sans équivalent en Europe, son enquête historique jette une lumière inattendue sur notre passé récent et nous donne à réfléchir sur notre avenir.