Pendant des siècles, rien ne laissait penser que les Sodomites se livraient exclusivement à la sodomie: ils étaient "arrogants", manquaient aux "devoirs de l'hospitalité", vivaient dans la luxuria et la terrible vengeance divine s'était abattue sur eux. Cc n'est qu'au Xe siècle que se trouve monté en épingle le martyre de saint Pelage, jeune éphèbe captif décapité pour s'être reflué aux pressantes sollicitations d'Abd al-Rahmân III. La Chrétienté, dans sa lutte contre le maure, utilise l'événement pour donner forme narrative à un acte, un péché qui ne s'appelle pas encore "sodomie". Lecteur de Pierre Damien, Alain de Lille, Albert le Grand, Thomas d'Aquin, Mark Jordan retrace ici l'histoire de ce concept, et surtout celle des incohérences et inconsistances que la doctrine morale chrétienne a tramées autour de ce terme satanique: seul péché de chair à être aussi péché contre l'Esprit, il ne peut être rédimé. Se pourrait-il qu'un pli ait alors été pris dont ne se serait guère départie notre moderne sexualité? Que sous couvert d'un sens tenu de nos jours pour techniquement précis continue de courir une somme millénaire de préjugés?