Les Français se disent attachés à leur langue. L'usage qu'ils en font permet pourtant d'en douter sérieusement. Loin de rendre hommage à sa
richesse et à sa subtilité en variant le vocabulaire, leurs conversations s'articulent en effet à des mots qui leur servent de prêt-à-parler, où le
superlatif le dispute au vain et à l'insidieux.
Le constat qu'il établit, au-delà de la dissolution des termes et de leurs sens dans la facilité instiguée par une époque ployant sous le festif, se
double d'un diagnostic enracinant le mal dans une société française où, narcissisme radieux oblige, prévaut en définitive l'évitement des autres
et de leurs opinions. Inutile aujourd'hui d'engager un authentique dialogue : le très intégré " chacun-ses-goûts ", entérinant l'imprescriptibilité
des choix individuels, a engendré le sacrosaint " ressenti ", garant inconditionnel de l'immunité des points de vue et fossoyeur de l'échange. Le
locuteur français, béat au fond de la tombe d'une " com' " qu'il continue pourtant de célébrer, est désormais à l'abri de tout réel désaveu.
Il fallait une sensibilité aiguë ainsi qu'un amour ardent de la langue pour s'émouvoir de ce gâchis puis interpeller ses compatriotes – et de fait
tous les francophones – sur les tristes raisons de leurs tics (de la simple causerie aux discours politiques, en passant par les interviews, les
messages publicitaires...).
La présentation de cette débâcle est à la fois incisive et facétieuse.
Le lecteur a entre les mains un texte lucide, brusque, stimulant.