Peut-on continuer à faire de la politique comme si de rien n'était, comme si tout n'était pas en train de s'effondrer autour de nous ? Dans ce court
texte politique, Bruno Latour propose de nouveaux repères, matérialistes, enfin vraiment matérialistes, à tous ceux qui veulent échapper aux
ruines de nos anciens modes de pensée.
Cet essai voudrait relier trois phénomènes que les commentateurs ont déjà repérés mais dont ils ne voient pas toujours le lien –; et par
conséquent dont ils ne voient pas l'immense énergie politique qu'on pourrait tirer de leur rapprochement.
D'abord la " dérégulation " qui va donner au mot de " globalisation " un sens de plus en plus péjoratif ; ensuite, l'explosion de plus en plus
vertigineuse des inégalités ; enfin, l'entreprise systématique pour nier l'existence de la mutation climatique.
L'hypothèse est qu'on ne comprend rien aux positions politiques depuis cinquante ans, si l'on ne donne pas une place centrale à la question du
climat et à sa dénégation. Tout se passe en effet comme si une partie importante des classes dirigeantes était arrivée à la conclusion qu'il n'y
aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants. C'est ce qui expliquerait l'explosion des inégalités, l'étendue des
dérégulations, la critique de la mondialisation, et, surtout, le désir panique de revenir aux anciennes protections de l'État national.
Pour contrer une telle politique, il va falloir
atterrir quelque part. D'où l'importance de savoir
comment s'orienter. Et donc dessiner quelque chose comme une
carte des positions imposées par ce nouveau paysage au sein duquel se redéfinissent non seulement les
affects de la vie publique mais aussi ses
enjeux.