Notre avenir sera si riche que nous n'avons pas à nous soucier des dettes qui s'accumulent : elles seront effacées par les performances du
futur. Et si l'homme est un être nuisible qui a dévasté la planète, il pourra sans problème être régénéré et «augmenté » par les miracles de la
technologie. Telles sont les promesses que nous fait le capitalisme spéculatif.Depuis près d'un demi-siècle, cet esprit malin a saisi la sphère
financière, puis l'économie réelle, et enfin la société tout entière. Il a bouleversé le travail, la consommation, les entreprises, les mentalités et la
vie quotidienne pour produire une société matérialiste, fébrile et fataliste. Rebondissant à chaque crise, il a pris la forme de la financiarisation,
puis de la digitalisation. Il prépare déjà sa nouvelle mue.À chaque fois, il nous fait espérer un avenir qui nous sauvera, tout en nous susurrant
que l'être humain en sera exclu s'il ne s'adapte pas. Voici donc le récit de ce destin qu'on nous dit implacable, de son origine à son non moins
implacable dénouement.
Pierre-Yves Gomez est essayiste et professeur à l'Emlyon, où il dirige l'Institut français de gouvernement des entreprises. Spécialiste du lien
entre l'entreprise et la société, il a notamment publié : La République des actionnaires (2001) ; L'Entreprise dans la démocratie (2009) ; Le Travail
invisible (2013) et Intelligence du travail (2016).