"Je suis mauvais courtisan, Sire, mais je fais mon devoir", avoue Vauban le 2 juin 1692, à Louis XIV qui l'a autorisé à entretenir un "commerce direct" avec lui. Et à Le Peletier de Souzy, directeur général des Fortifications, il écrit de Brest, le 19 avril 1695 : "Le roi, de qui j'ai l'honneur d'être connu à fond, est accoutumé à toutes mes libertés", poursuivant : "Sa Majesté, sachant mieux que personne que je n'ai nulle [mauvaise] intention, me pardonnera plutôt qu'un autre les grossièretés qui m'échapperont". Louis XIV apprécie cette franchise et les "grossièretés" de Vauban, l'un des rares parmi ses serviteurs qui aient osé lui tenir un discours de vérité. Voici pour la première fois éditée l'intégralité de la correspondance retrouvée entre le Roi Soleil et son Commissaire général des Fortifications : 144 lettres (45 du souverain, 99 de Vauban) dont 105 inédites, chacune replacée dans son contexte et commentée afin d'éclairer cette singulière relation. Les agendas également publiés ici, constitués des notes de Vauban, certaines prises au jour le jour, d'autres retravaillées, complètent le courrier "officiel" et suggèrent les nombreux sujets abordés lors des rencontres entre les deux hommes, non seulement sur le théâtre des combats, mais aussi à Versailles et à Marly. La guerre de siège, bien évidemment, est le thème majeur de ces échanges, mais Vauban n'hésite pas à prendre position sur certains choix stratégiques du souverain et à l'informer de la situation intérieure souvent dramatique du royaume, lui suggérant même des réformes de fond. Grâce à cette correspondance unique, le lecteur se voit convié, dans la proximité du pouvoir, à partager un dialogue d'exception : "vous pouvez me parler d'autant plus hardiment que je ne montrerai votre lettre à personne et que cela demeurera entre vous et moi" (Louis XIV à Vauban, septembre 1693).