Robert Penn Warren (1905-1989), romancier du Sud, fut longtemps le grand rival de Faulkner. Les Fous du roi (prix Pulitzer 1946), sans doute son plus grand livre, nous fait assister au douteux combat qu'un homme peut-être sincèrement épris de justice entend livrer – seul d'abord ou presque – contre les forces de la corruption et du mensonge. Nous sommes dans l'Amérique profonde du début des années 30, mais en territoire plutôt familier : trafics d'influence, combines et crapuleries en tout genre, histoires de sexe ou d'argent opportunément déterrées à l'attention d'un ennemi politique ou d'un « ami » devenu gênant – les choses ont décidément peu changé.
L'apprenti-sorcier, vite promis à ce qui ressemble à une ascension irrésistible, sera à son tour rattrapé par un passé dont il a imprudemment remué les eaux troubles. Car le temps, ce grand oublié des ambitieux d'où qu'ils viennent, finit toujours par se venger, en y mettant parfois une terrible ironie. Et puis la violence, même au service de la meilleure cause, n'est jamais un instrument facile à manipuler.
Un livre féroce et mélancolique, construit à la façon d'une partie d'échecs qui laissera, on le devine, la plupart des acteurs sur le carreau. et les survivants privés de bien des illusions.