Sur les tourments de l'adolescence et ses prolongements psychologiques, on a beaucoup écrit, sans prendre garde que l'être nouveau issu de cette crise n'est pas pour autant devenu un adulte. Une seconde épreuve l'attend bien autrement redoutable. Le jeune homme de vingt ans, de vingt-cinq ans, a fait peut-être l'apprentissage du corps, mais il est loin d'avoir renoncé aux rêveries masochistes, au romantisme de la souffrance, qui sont, beaucoup plus que l'inexpérience physique, la tare et l'obsession de la jeunesse.
Pour Jean, qui est encore à vingt-sept ans tout empêtré dans le souvenir de son passé malheureux, l'épreuve sera l'amour qu'il porte à Agathe et que la jeune femme lui rend. Sans doute pressent-il que cet amour le délivrera de ses fantômes ; mais justement, une dernière et puérile révolte le saisit ; il revit si intensément son enfance qu'il refuse d'avouer qu'il s'en est maintenant affranchi. Il considère comme une ennemie cette femme qui exige de lui un comportement adulte ; il s'emporte ; et cette nuit qu'ils passent dans un moulin perdu, peu s'en faut qu'elle ne voie leur rupture.
Suffit-il, au sortir d'une enfance peu heureuse, de la comprendre pour la surmonter ? La libération psychologique est-elle possible ? De quelles dépouilles faut-il se défaire pour arriver à l'âge d'homme ?