Devenu souverain en 1943 à la faveur de la guerre mondiale et des divisions franco-françaises, déjà doté d?une relative autonomie dans les dernières années du mandat, fort d?un pacte entre ses diverses confessions religieuses et surtout pourvu d?élites nombreuses et de qualité, le Liban indépendant a vu beaucoup de fées se pencher sur son berceau. Pourtant, l?environnement devait lui infliger de cruelles déconvenues : un voisin à l?est qui n?a jamais abandonné le rêve de « Grande Syrie », un Etat d?Israël en conflit avec tous ses voisins arabes, des Palestiniens dépossédés affluant en masse, des alliés ? Français et Américains ? au soutien parfois défaillant, une taille modeste et un poids démographique réduit, enfin l?inconséquence d?un certain nombre de chefs devaient être dans les années 1960 et 1970 autant d?obstacles à l?affirmation politique du pays.
Longtemps la prospérité économique et la vigueur de la vie intellectuelle et artistique permirent de croire que le « miracle libanais » s?opérait en tous domaines. Mais quand les conséquences de la guerre des Six-Jours commencèrent à se faire sentir avec force, quand certains des grands leaders politiques (présidents de la République, présidents du Conseil, chefs de parti?) baissèrent la garde, la stabilité ne fut plus qu?un souvenir. Guerre civile, invasions étrangères, victimes par centaines de milliers, destructions, exode et fuite des capitaux compromirent jusqu?à l?existence du Liban. Entre 1975 (année des premiers affrontements sanglants) et 1989 (accords de Taëf), il fut à plusieurs reprises près de disparaître. Aujourd?hui, la paix est revenue, mais sa consolidation reste subordonnée à l?issue de l?interminable conflit du Proche-Orient. Autant dire que les incertitudes sont loin d?être toutes levées?
Reposant sur une documentation pour une bonne part inédite (notamment sur une vaste enquête orale auprès de nombreux anciens dirigeants), cette histoire du Liban indépendant (1943-1990) constitue une véritable somme.