Serge RAFFY - 2014 - Moi, l'homme qui rit
Biographe de François Hollande (à l'époque où l'homme de Tulle n'intéressait personne, ou presque), grande plume du Nouvel Observateur, Serge Raffy signe un livre étrange, excitant et troublant: il a choisi, pour essayer de comprendre son fuyant personnage, de se glisser dans sa peau ("Moi, l'homme qui rit", Flammarion). En apparence donc, c'est Hollande qui parle ("Je, je..."). En fait, le ventriloque, c'est Raffy.
Livre étrange �même si, aujourd'hui, dans la République de Hollande, il faut s'attendre à tout� car, sauf erreur, c'est la première fois sous la Vème République qu'un président en exercice s'abandonne ainsi. Faire chuchoter ce qu'on ne peut dire tout haut.
Livre excitant car Raffy �que le président, durant le temps de rédaction de ce livre, a refusé, dit l'auteur, de recevoir� connaît "son" Hollande par c�ur et joue fort bien le rôle du "psy". Thématique: rien de ce que ce dissimulateur verrouillé vous cache, à vous citoyens, ne me trompe, moi.
Livre troublant car si les rosseries abondent et si le roi est mal en point quand il est nu, il s'agit bien de faire comprendre qu'il serait plus dense, plus complexe, plus "riche" qu'il n'y parait. Donc, que son sort n'est pas scellé.
Hollande, dit Serge Raffy, n'aura eu d�emblée que quelques minutes de répit pour savourer à Tulle le 6 mai 2012 au soir ce que le destin lui offrait. Quelques minutes jusqu'à ce que Valérie Trierweiler exige de lui, face aux caméras, "un baiser sur la bouche". "Une prise d'otage en direct.. Un baiser de la mort", commente Raffy-Hollande. Et d'enchaîner: "La Dame était jalouse de la France... J'étais président, et j'avais l'air d'un mouton". En même temps, le vrai-faux Hollande �à qui il faudra l'affaire des "sans-dents" pour admettre enfin que sa "princesse" n'a "aucun sens de l'humour"- convient qu'il ne saurait oublier le rôle qu'elle a joué à ses côtés: "Transformer du jour au lendemain un cachalot en poisson volant (sic), elle l'a fait".
Au fil des pages, l'auteur, l'air de rien, fait défiler du monde. Voici le père de Hollande (''militant d'extrême-droite aimant l'argent, les voitures rutilantes, la belle vie"), Philippe, le frère aîné de François (dont il était, tout enfant, si proche), Jérôme Cahuzac ("monté dans le train après l'arrivée en gare" et dont certains travers rappelleraient à l'actuel chef de l'Etat certains écart passés de son propre père), l'ami chiraquien François Pinault (si bienveillant, si discret aussi), la kosovare Leonarda, la "reine-mère" (Ségolène Royal avec qui le président partage pour la vie, quoiqu'il en soit, deux ancrages: les enfants, le PS). Voici aussi l'affaire, assez ridicule, de la rue du Cirque, et ce que l'auteur fait dire à Hollande de Julie Gayet: "Elle avait l'�il étincelant de ceux qui vous croient indestructible".
A propos de Nicolas Sarkozy, Serge Raffy (qui a achevé son livre sans savoir que ce dernier allait remonter sur scène) prête à François Hollande des propos savoureux: "Il est mon meilleur ennemi... mon faux-frère, ma pierre d'achoppement. Sans lui, je n'existerais pas (re-sic)". Mais un peu plus loin: "Dois-je encore croire aux chances du Sortant ? Sa situation, hélas, paraît désespérée". On appréciera le "hélas".