La parution en 1963 de « l'album de famille de tous les Français » que constituait l'ouvrage de Gaston Bonheur Qui a cassé le vase de Soissons ? a inauguré, bien avant qu'il ne soit question d'un usage politique, sinon politicien, de la notion d'identité française, une ère de nostalgie d'un âge scolaire et républicain. La préface fixait bien l'objectif du livre, qui eut un succès considérable : « Qu'est-ce qu'un Français ? » La réponse se trouvait dans les livres de classe, dans les souvenirs de ces belles formules qui ponctuaient l'histoire et la littérature françaises - « bouter les Anglais » - ou dans des textes d'anthologie abondamment cités. La nostalgie de l'encre violette, de la belle écriture et de l'époque idéalisée où l'on connaissait l'orthographe et la chronologie accompagnait le sentiment serein et évident d'appartenance privilégiée à un ensemble national. On pouvait alors simplement répondre à la question « Qu'est-ce qu'un Français ? » en n'évoquant ni le droit du sol, ni le droit du sang mais le droit des « premiers livres de classe », de l'« école enchantée des souvenirs ».