Parue en 1980, L'Ecriture du désastre porte à un point d'incandescence l'écriture fragmentaire telle que Blanchot avait pu la pratiquer, dans Le Pas au-delà notamment. Le texte est composé de fragments d'inégale longueur dont certains étaient antérieurement parus en revue. C'est une polyphonie, un jeu de reformulation perpétuelle, où chaque fragment a valeur d'éclat, ruinant toute idée d'unité préexistante ou finale. Au fil d'une progression en spirale autour des termes « passif », « patient », « passion », le désastre, au plus loin de toute connotation cosmique, figure comme ce qui « destitue toute autorité », désoeuvre le travail du penser et ouvre sur un oubli plus ancien que toute mémoire. L'écriture est admirable de précision sinueuse, rompue aux ruses de la dialectique mais déjouant cette dernière d'un pas de côté, mettant au jour le procès de naturalisation dont se fonde toute culture.
L'Ecriture du désastre est un texte en prise sur l'Histoire, hanté par le souvenir des camps d'extermination, par « cette toute-brûlure où toute l'histoire s'est embrasée », texte dialogique aussi, Blanchot commentant des propositions de Lévinas, Derrida, Leclaire. Fondamental est le rapport à Autrement qu'être , de Lévinas, dans la mesure où le désastre fait signe vers un « ici en excès sur toute présence » qui sape transcendance et signification exhaussées par Lévinas. Ce qui n'exclut pas la méditation sur la nécessité de l'action.