Francis Delaisi, "La force allemande"
Publisher: Librairie de "Pages Libres" | 1905 | ISBN: N/A | French | PDF | 124 pages | 104 Mb
« Depuis 1870, deux faits sont venus successivement bouleverser tous les rapports entre les Etats de l'Europe.
Le premier, c'est la constitution de l'Empire allemand. Depuis le quinzième siècle jusqu'à Sedan, la plaine allemande semblait destinée à fournir des enjeux aux puissants Etats voisins; après chaque guerre le vainqueur y prenait, en manière de butin, quelques provinces; le vaincu y cherchait un dédommagement à sa défaite, et les neutres y prélevaient des compensations aux agrandissements de leurs voisins.
La création, au centre de l'Europe, d'un grand Etat militaire, vint changer tout cela. Bismarck orienta l'Autriche vers les Balkans, afin de tenir en respect la Russie; il promit à l'Italie la domination de la Méditerrannée, afin d'inquiéter la France. Et ces deux puissances, menacées chacune sur deux frontières, devaient logiquement opposer à la Triplice le contre-poids de leurs forces alliées (1878-1894).
Mais pendant qu'on le croyait avide de guerres et de conquêtes, le grand homme d'Etat qui gouvernait l'Allemagne accomplissait sans bruit une nouvelle révolution. En 25 ans, ce pays exclusivement agricole est devenu industriel, cette nation pauvre à couvert de ses produits tous les marchés du monde, et ce peuple de terriens dispute aujourd'hui à l'Angleterre la royauté des mers.
Cette seconde révolution a été moins bruyante sans doute que la première; elle est assurément plus profonde et plus grosse de conséquences.
Désormais ce n'est plus sur le continent qu'il faut chercher les rivaux et les ennemis possibles de l'Allemagne, c'est par-delà les Océans, dans les Iles Britanniques et aux Etats-Unis. »