La place de Vico dans le siècle des Lumières, comme dans l'histoire des idées, est difficile à déterminer. Tenu à l'écart des courants dominants de son époque, il n'a été lu et étudié que bien après sa mort. Sa pensée n'a cessé depuis de faire l'objet d'interprétations diverses et contradictoires : certains la jugent tournée vers le passé, nourrie de l'humanisme grec et latin revivifié par le christianisme ;
d'autres y voient la préfiguration des grandes visions modernes de l'histoire. Son œuvre, écrit Alain Pons, dépasse l'opposition entre Anciens et Modernes ; elle a l'ambition de fonder une science nouvelle, non pas du monde naturel mais du monde des hommes, sous la forme d'une étude des nations. Pour ce faire, le philosophe napolitain unit intimement deux savoirs distincts : une philosophie de l'esprit humain qu'il ne veut pas réduire à la pure raison, et une philologie qui explore le savoir historique accumulé depuis la plus lointaine Antiquité.
Cette lecture met en lumière la façon dont, selon Vico, naissent, vivent et peuvent mourir les nations, et comment se construisent chez elles les "choses humaines" - religions, langages, coutumes, lois, institutions politiques. Elle donne son relief à l'intuition fondamentale qui fait l'originalité du philosophe : c'est dans le temps de l'histoire et dans la vie des nations que l'homme accomplit
son humanité.
La Science nouvelle (1744) ouvre certaines voies dans lesquelles vont s'engager la philosophie moderne et les sciences humaines. Elle aide à comprendre les interrogations, les espoirs et les craintes que le destin des nations fait toujours naître.