En 1908, écrire « un essai sur Ste-Beuve et Flaubert » fait partie des projets de Proust. Certes, il y aura l'article de la NRF, en 1920, « À propos du "style" de Flaubert », mais l'essai annoncé ne verra jamais le jour. Proust aurait-il oublié son auteur de prédilection, celui qu'il imitait si bien dans ses pastiches ? Il n'en est rien. Flaubert est omniprésent dans l'œuvre proustienne mais toujours parfaitement dissimulé. Le dépouillement de la Correspondance, le déchiffrement des manuscrits - la démarche suivie est, en effet, celle de la critique génétique - permettent de transformer une impression de lecture en certitude. Au moment de la conception de son roman, Proust se trouve face à une actualité éditoriale qui met Flaubert à l'honneur. Lecture, relecture vont lui permettre de puiser, dans les œuvres de son prédécesseur, des motifs, des images, des noms, de construire ses personnages féminins, sa représentation de la société et de la création littéraire. À travers l'auteur de L'Éducation sentimentale, une esthétique, faite d'imitation mais aussi de dépassement, de transgression, se construit. Flaubert aura été le double de l'écrivain, réel et fictif, sans cesse tenu à distance.