Des milliers de livres existent sur l'affaire à laquelle Alfred Dreyfus a donné son nom, mais nul n'a jamais écrit sa biographie. Curieuse, troublante lacune... Ne fallait-il pas montrer le rôle éminent que cette figure ignorée, déformée (quasi niée jusque chez une partie des dreyfusards), a joué dans le combat pour la vérité et la justice ? Certes Lazare, Zola, Péguy, Jaurès, Clemenceau et d'autres ont été nécessaires, mais sans le concours actif du principal intéressé (et de sa famille), y aurait-il eu seulement une affaire ? Un condamné qui se fût abandonné, qui eût capitulé devant la souffrance morale et physique, qui se fût résigné à l'injustice, qui eût cru qu'il suffisait de se draper de son innocence eût forcément échoué devant l'acharnement, la duplicité, la perversité d'adversaires déterminés à perdre un juif, un intellectuel, un officier qui s'était voulu le parangon des cadres dont une armée rénovée aurait besoin en cette aube du XXe siècle. C'est Dreyfus et nul autre qui a rendu possible le combat pour la justice, il s'en est fait un devoir et un honneur. Le devoir de l'histoire consiste à le sortir de l'oubli et du mensonge pour révéler l'homme, ses actes et son patriotisme. C'est aussi un devoir de justice.