Bernard Blier fait partie de ces « gueules » du cinéma français qui appartiennent à notre mémoire collective. Et pourtant, de ce comédien extrêmement populaire (y compris dans les jeunes générations, fans comme leurs aînés des inoubliables Tontons flingueurs), à la carrière riche de plus de cent quatre-vingts films et trente pièces de théâtre, on ne sait presque rien. Au fil de cette biographie - la première complète et documentée qui lui soit consacrée -, Bernard Blier se révèle un personnage aussi singulier que ceux qu'il a incarnés. Une naissance en Argentine en 1916, une vocation précoce, à l'âge de onze ans, à la sortie d'une représentation à la Comédie Française. Son père hausse les épaules : « Tu seras privé de dessert », mais prend conseil auprès d'un comédien en vogue à l'époque. « C'est dans l'oeuf », juge l'homme de l'art après avoir écouté l'aspirant acteur réciter un poème. Et de fait, le jeune Blier (élève préféré de Louis Jouvet au Conservatoire) débutera dans Entrée des artistes, Hôtel du Nord et Le Jour se lève, rien de moins ! Facétieux comme on n'oserait plus l'être aujourd'hui, soupe au lait, joueur (il s'adonne aux courses... de chevaux de bois !), bibliophile et alpiniste avertis, fin gastronome, homme et père intransigeant, fou de comédie, il plaçait l'amitié plus haut que tout avec ses complices François Périer, Gérard Philipe, Jean Gabin, Jean Carmet, Gérard Depardieu... Menée à l'anglo-saxonne, comme une enquête, fondée sur des témoignages inédits (notamment celui de son fils, le cinéaste Bertrand Blier, qui a accepté pour la première fois de se confier aussi longuement sur ce père aux multiples visages), cette biographie traverse cinquante ans d'histoire du septième art, et nous fait approcher la vérité d'un homme qui a vécu comme il jouait la comédie : sérieusement, sans jamais se prendre au sérieux, avec pour maxime cette devise de Michel Audiard, son meilleur dialoguiste : « J'parle pas aux cons, ça les instruit. »