Sur les 23000 Justes parmi les Nations, il n'y a pas un seul Arabe et pas un musulman de France ou du Maghreb. C'est étonnant quand on connaît les liens séculaires qui ont uni les deux communautés juive et musulmane. Alors, j'ai décidé de chercher. Pendant deux ans et demi, j'ai défriché des documents, suivi toutes les pistes possibles, tenté de recueillir des témoignages. On m'a souvent répété « mais les témoins sont morts aujourd'hui ». J'ai exhumé des archives, écouté des souvenirs, même imprécis, et retrouvé de vraies histoires : comme celle de cette infirmière juive ou celle du père de Philippe Bouvard qui ont échappé à la déportation grâce au fondateur de la Grande Mosquée de Paris, Kaddour Benghabrit. Cet homme a sauvé d'autres vies. ` Des anonymes ont également joué un rôle en donnant aux Juifs de faux certificats attestant qu'ils étaient de confession musulmane. La mère de Serge Klarsfeld en a bénéficié : « J'ai eu une mère "algérienne" pendant quelques mois. Elle se faisait appeler madame Kader », m'a-t-il raconté. Et l'action du roi Mohammed V au Maroc durant l'Occupation ne lui vaudrait-elle pas le titre de Juste ? « Celui qui écoute le témoin devient témoin à son tour. » J'avais toujours à l'esprit cette phrase d'Elie Wiesel. Je l'ai écrite plusieurs fois, et suis parti en quête de témoins pour ne pas rompre le fil ténu de la mémoire.
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