Nous n'avons pas encore saisi le sens fondamental de l'œuvre de Foucault. Certes, cette œuvre ne cherche pas à établir de nouvelles normes pour la vie et la pensée. On l'accuse d'avoir comme seul but la subversion de la forme présente de la société. Elle apparaît comme une succession d'analyses concrètes et d'études dispersées, plus que comme un système abstrait et un tout cohérent. Ce sont des raisons assez fortes pour que l'on doute du caractère même d'œuvre que constitueraient l'ensemble de ces travaux. À plus forte raison, ces textes rassemblés ne sauraient former une œuvre philosophique. Ils ne seraient plus que les traces d'un simple - quand bien même impressionnant - "parcours intellectuel".
Mais une œuvre peut chercher à montrer comment sont les choses, sans prétendre dire comment elles devraient être. Elle peut briser les évidences et lancer l'invitation à ce que d'autres jettent les bases pour de nouvelles formes d'existence. De plus, on peut considérer que les recherches sur des domaines circonscrits [la folie, la prison, la sexualité] ont un recours subtil à des schèmes spéculatifs et abstraits qui sont le fait de la philosophie. Si nous parvenons à comprendre que ces réalités sont intimement associées dans la démarche de Foucault, et si par ailleurs nous démontrons qu'elles ne sont pas des caractéristiques transitoires, mais des traits constants de son travail, alors il n'y aura plus de raisons pour refuser à ce dernier le statut d'œuvre, ni pour hésiter à lui reconnaître sa valeur philosophique.