La Technique ou l'enjeu du siècle a connu une destinée singulière. Refusé par deux éditeurs, il a finalement été publié dans une collection universitaire à faible tirage et a très vite été épuisé. Jamais réédité (sauf en édition pirate) il n'a cessé d'être lu et pillé, même si ceux qui l'ont utilisé ne l'ont pas toujours cité. Aux Etats-Unis, il est constamment réédité en collection de poche et est inscrit au programme des lectures obligées (text-books) de la plupart des universités. Il a également eu une grande influence chez les dissidents des pays de l'Est.
Rédigé de 1948 à 1950, ce livre constitue le premier volet de la trilogie ellulienne consacrée à la technique. Les deux autres seront Le système technicien, en 1977 et Le bluff technologique, en 1988.
Ellul y affirme que l'ensemble des techniques (techniques industrielles, techniques de gouvernement, techniques financières, techniques éducatives...) sont, au XXe siècle, devenues interdépendantes. Il avance la thèse selon laquelle cette interdépendance même contribue à ce que "la" technique ne peut plus être considérée comme un simple intermédiaire entre l'homme et la nature.
La technique n'est plus un instrument docile, un simple moyen : "elle a maintenant pris une autonomie à peu près complète à l'égard de la machine" : obéissant à ses propres lois, elle est devenue le principe d'organisation de toutes nos sociétés. Par conséquent, il est erroné, estime l'auteur, de ne voir en elle que le moyen de nous libérer des servitudes imposées par la nature : elle est sans doute cela mais elle est aussi la source de nouveaux types de servitudes.
Or, s'il en est ainsi, indique Ellul, c'est que "le phénomène technique est la préoccupation de l'immense majorité des hommes de notre temps de rechercher en toutes choses la méthode absolument la plus efficace."