William T. Vollmann est un phénomène. Auteur de fictions et de nouvelles, il a entrepris une histoire symbolique du continent nord-américain en sept volumes. Dès ses premiers romans, la critique américaine l'a considéré comme un héritier de William Burroughs et Hubert Selby Jr.
Dans Des putes pour Gloria, récit constitué en grande partie de dialogues, la rêverie sentimentale et poétique se dispute la part belle au reportage sur le plus sordide des quartiers de San Francisco, le Tenderloin. C'est là que Jimmy, homme mûr à la dérive, passe un appel dans une cabine publique. Il semble parler à une femme partie au loin, Gloria. Petit détail : la cabine ne fonctionne plus et celui qui parle dans le vide est persuadé qu'il lui faudra, pour récupérer sa Gloria, "visiter" les putains. Jimmy se tient à sa fantasmagorie, multiplie les expériences avec de pauvres filles camées jusqu'aux yeux, navigue dans les bars de travestis. Entre saouleries et mains baladeuses, l'image de Gloria en perspective, Jimmy s'approprie la vie des putains, bouts de chair livrés à une lumière crue, et bouts d'histoire aussi. Parcelles de vie à partir desquelles il compose sa femme "idéale", sa déesse d'amour. Mèches de cheveux, regards, attitudes, sexes, souvenirs d'enfance, constituent la matière qui la modèle en un étrange puzzle féminin. Gloria a-t-elle jamais existé ? Peu importe, finalement, elle est toutes les femmes à la fois, le rêve d'un homme qui n'a plus que ce dernier lien avec l'existence pour continuer de survivre.