Fort d'un livre remarquable et prémonitoire qui annonçait avant tout le monde l'inéluctabilité de la crise des subprime, avec un luxe de détails impressionnant, l'auteur, fin connaisseur du monde et des techniques de la finance, s'écarte un peu du thème qui lui a valu, à juste titre, sa notoriété, pour se pencher sur " l'argent ", ce que les économistes traduiront par " la monnaie ".
Mais il conteste ce terme, car il l'estime trompeur, dans la mesure où la monnaie des économistes inclut à la fois l'argent - les billets, mais aussi le métal précieux du temps où il servait à frapper des pièces - et la monnaie scripturale issue des crédits accordés par les banques à partir des dépôts qu'elles gèrent. Querelle de spécialistes ? Pas du tout, car c'est dans cette distinction que gît l'essentiel du livre : si certains doivent emprunter, c'est parce que les revenus qu'ils tirent de leur travail ne sont pas suffisants, et cette opération d'emprunt engendre des intérêts qui enrichissent ceux qui prêtent, les banquiers et, derrière eux, les déposants ou les épargnants. C'est donc l'inégalité dans la répartition des crédits qui enrichit les uns et appauvrit les autres (et qui, au passage, explique la cupidité des uns et la détresse des autres, tout en pouvant, dans certaines circonstances, déboucher sur une crise majeure). Ce qui l'amène à plaider pour que la répartition des revenus du travail soit plus égalitaire tout en reposant sur davantage de solidarité.
S'appuyant sur une base fragile - une conception restrictive de la monnaie - et omettant que l'essentiel du crédit à base monétaire est fait aux entreprises et non aux particuliers, le raisonnement est loin d'être convaincant, même si la thèse de l'inégalité excessive des revenus comme cause de crise et comme source de paupérisation est fondée.