27 septembre 1995. Daniel Tibi n'oubliera jamais cette date. En quelques heures, la vie de ce Français de 37 ans, installé depuis plusieurs années en Equateur, bascule dans l'absurde et bientôt dans l'horreur. Il est arrêté à Quito par deux policiers en civil, accusé de trafic de cocaïne. A tort. Il est innocent. Sans la moindre preuve, sans procès, sans jugement, après un premier passage à tabac, Daniel Tibi est jeté dans l'une des pires prisons du pays : le Centre de réhabilitation sociale des hommes de Guayaquil. Ce trou du diable, cet immonde cul-de-basse-fosse porte bien mal son nom. L'espérance de vie d'un prisonnier y est des plus courtes ; seule y règne la loi du plus fort, de l'argent et de la corruption. Chaque nuit, ou presque, le sang coule. Les pillos tuent et volent ceux qui n'ont pas de cellule, obligés de dormir dans un couloir... Spectacle hallucinant au petit matin de ces corps ensanglantés que les matons traînent le long des coursives ! Pendant deux ans et demi, Daniel Tibi va lutter pied à pied pour ne pas sombrer, n'ayant d'autre choix, parfois, que le recours, lui aussi, à la violence : "Il y a une chose que je ne pardonnerai jamais : m'avoir contraint à puiser au fond de mon être les instincts les plus bestiaux, d'avoir fait de moi un animal sans pitié, parce qu'il me fallait vivre, parce qu'il me fallait survivre." Torturé à plusieurs reprises, malade, Daniel Tibi n'est plus qu'un squelette ambulant de 46 kg quand il est enfin libéré le 23 janvier 1998. Il n'aura eu de cesse d'alerter la presse sur son cas, jusqu'à obtenir les excuses officielles de l'Etat équatorien et la condamnation de celui-ci par la Cour interaméricaine des droits de l'homme.