Ce n'était pas une doctrine de la première frappe avant l'agression, de la guerre «préemptive» - que l'on peut juger compatible avec une interprétation large de la Charte des Nations unies -, mais d'une pratique qui n'a pas le moindre début de fondement en droit international : la guerre «préventive». En clair, les États-Unis domineront le monde par la force et, si le moindre défi à leur mainmise apparaît - aperçu très loin, inventé, imaginé ou autre -, ils auront le droit de le détruire avant qu'il ne se transforme en menace. Cela, c'est la guerre «préventive», pas «préemptive».
Pour instaurer une nouvelle norme, il faut des actes. En établir une n'est pas à la portée de n'importe quel État, c'est évident. Si l'Inde envahit le Pakistan pour mettre un terme à des atrocités monstrueuses, elle ne crée pas de norme. Mais si les États-Unis bombardent la Serbie pour des motifs douteux, ils créent une norme. C'est cela, la puissance !
Le moyen le plus simple d'instaurer une nouvelle norme, comme le droit à la guerre préventive, c'est de choisir une cible absolument sans défense, facile à anéantir pour la puissance militaire la plus massive de l'histoire de l'humanité. Mais pour que tout cela soit crédible, du moins aux yeux de votre propre population, il faut lui faire peur. La cible sans défense doit lui être présentée comme une effroyable menace pour sa survie, responsable du 11 septembre et sur le point d'attaquer à nouveau, etc. C'est bien ce qui s'est passé dans le cas de l'Irak. Ce fut un exploit vraiment spectaculaire, qui sans nul doute restera dans l'histoire, cet effort massif de Washington pour convaincre les Américains, seuls de toute la planète, que Saddam Hussein n'était pas seulement un monstre mais aussi une menace pour leur existence même. Et il a extraordinairement réussi. La moitié de la population américaine croit fermement que Saddam Hussein était «impliqué personnellement» dans les attentats du 11 septembre 2001.
Donc, tout concorde. La doctrine est énoncée, la norme est instaurée dans un cas très simple, la population est précipitée dans la panique et, seule au monde, croit à des menaces fantasmatiques contre son existence, donc est prête à soutenir une intervention militaire parce qu'elle se pense en situation de légitime défense. Si vous croyez à tout cela, c'est vraiment de la légitime défense d'envahir l'Irak - bien qu'en réalité cette guerre soit une agression typique, dont l'objectif est d'étendre le champ de possibilité des futures agressions. Une fois réglé le cas facile, on pourra passer à d'autres, plus compliqués.
L'opposition à la guerre est massive dans une grande partie du monde parce que chacun comprend qu'il ne s'agit pas seulement, en l'affaire, d'attaquer l'Irak. Beaucoup, et ils ont raison, perçoivent cette guerre exactement comme elle a été voulue, une façon de leur signifier fermement : (...)