Trente ans passés à exécuter les basses oeuvres de l'Unité (un service occulte chargé de "maintenir l'ordre") n'ont pas vraiment entamé l'humanité de Berthet, tueur implacable, certes, mais grand lecteur de poésie et encore capable d'amour. Depuis vingt ans, il s'est donné pour mission de protéger (à distance et sans qu'elle ait connaissance de son existence) une jeune fille d'origine sénégalaise, croisée par hasard à Roubaix et dont la rébellion et l'insouciance l'ont touché : Kardiatou Diop. L'intelligence et la détermination de cette dernière, couplées à l'efficacité de son " ange gardien ", portent leurs fruits : elle poursuit des études brillantes, entre en politique, et gravit les échelons jusqu'à devenir secrétaire d'Etat dans un gouvernement de gauche. Lorsque son parti décide de la parachuter dans une petite ville de province pour qu'elle se présente aux élections municipales face à Agnès Dorgelles, la virago du Bloc Patriotique (qui a réussi à " dédiaboliser " son parti d'extrême droite), l'instrumentalisation semble évidente. Et lorsque l'Unité (qui connaît l'obsession de Berthet pour Diop) cherche à éliminer le vieux soldat, il ne fait aucun doute pour lui qu'une machination vise sa protégée. Avant de se lancer dans ce qui sera peut-être son ultime bataille, Berthet décide de confier son histoire. Il choisit pour cela Martin Joubert, auteur de romans noirs dépressifs, écrivain à gages pour un site Internet flirtant avec l'extrême droite - il y joue le rôle de "caution de gauche". En attendant les élections fatidiques, ils entrent tous deux en clandestinité, de manière à déjouer les plans de l'Unité...
Au-delà d'un roman noir politique et actuel, L'ange gardien développe un style profond et puissant. Au sentiment d'urgence du propos se superpose une prose atmosphérique et poétique, aux antipodes du polar " militant " ou du pamphlet romancé. La structure en trois parties distinctes permet à Jérôme Leroy de varier les points de vue et les modes de narration, d'alterner scènes d'action et scènes sensuelles, considérations " cliniques " sur le fonctionnement de la société et approche lyrique des mystères des sentiments humains.