J'ai écrit cet essai en 1984 ou 1985. À l'époque, j'enseignais la philosophie à l'université de Yale et j'étais fellow du Whitney Humanities Center. L'appartenance à cette société savante m'amenait à rencontrer régulièrement les autres membres - issus de disciplines très variées - afin d'aborder des sujets présentant un intérêt commun. Chaque fellow devait fournir un échantillon de son travail lors d'une de ces séances de discussion. C'est pour m'acquitter de cette obligation que j'ai rédigé mon essai sur l'art de dire des conneries.
Lorsque j'ai présenté mon texte, mes collègues l'ont considéré (conformément à mon attente) comme un travail sérieux d'analyse philosophique et sociale. Personne n'a semblé y voir une entreprise frivole ou humoristique. La seule réaction explicite dont je me souvienne est celle d'un fellow (physicien de son état) particulièrement sensible au fait que le corps professoral de Yale comptait alors dans ses rangs Jacques Derrida et plusieurs autres têtes de file du postmodernisme. Le fait que mon essai ait été écrit à Yale lui semblait fort approprié car, selon ses propres mots, «Yale, après tout, est la capitale mondiale du baratin».
Certains passages situés à la fin du texte font référence aux idées postmodernes, mais je n'ai jamais eu l'intention d'attaquer le postmodernisme en particulier. Je me suis simplement efforcé de comprendre ce que je voulais dire chaque fois que je manifestais mon opposition ou mon dédain à l'égard de quelque chose en le qualifiant de «conneries» - une réaction irréfléchie dont j'étais assez coutumier. J'étais donc mû par le désir philosophique classique, qui remonte au moins aux dialogues platoniciens, de clarifier certains concepts auxquels on a souvent recours pour décrire le comportement humain.