''Dans le Paris de la disruption, de ses limbes de mort-vivant, il traque des motifs de soulagement. Mais ne subsistent en lui que des idées fantômes et des sensations pâles. Il ne peut rien exprimer de sa quête passée et de sa damnation éternelle. Même si des souvenirs précis venaient hanter son esprit demeuré, il ne pourrait rien en dire. Cette aphasie est peut-être une résurgence de ses troubles cérébraux, nous n'en savons rien.''
Et si Baudelaire revenait parmi nous ? S'il flânait de nouveau dans les ruelles de nos grandes métropoles, réapparu sous la forme, non du dandy de jadis, mais du vagabond ? Un misérable hère assistant, affalé sur le bitume, à la valse de nos contemporains et essuyant leur mépris. Lui qui redoutait tant de se sentir inférieur à ceux qu'il dédaignait, le voici hué, puis bientôt hissé à la tête d'une parade de zombis avant de connaître le destin d'une âme suppliciée.
Par vagues réminiscences, lui parvient le souvenir de son être passé et de son oeuvre. ''La rue assourdissante autour de moi hurlait'' peut-on lire dans son poème ''À une passante''. Et Rimbaud n'écrivait-il pas de lui qu'il est ''le premier voyant'' ? Éric Chauvier montre à quel point les visions prémonitoires de Baudelaire révèlent la nature véritable des figures qui hantent nos métropoles contemporaines, de l'artiste en résidence dans les territoires défavorisés à la prostituée slave.
C'est une comédie noire, réaliste et crue, celle de nos villes modernes, des hommes qu'elles brisent et rejettent. Il faut bien se rendre à l'évidence : au cœur de nos vies quotidiennes, Les Fleurs du mal continuent de croître.