À l'instar du Domaine royal dont elle partage les origines, la ville de Versailles s'est constituée en un organisme pourvu de son dynamisme
propre — en un écosystème. L'ouvrage est d'abord le récit, souvent surprenant, de l'évolution d'une ville dont la place dans l'histoire politique
française est sans équivalent. Inséparable en ses débuts de la représentation monarchique, Versailles deviendra pourtant le « Mont Aventin de
la République » (Léon Bourgeois) ; la ville continue à dire et montrer la Nation tout en marquant l'écart avec ses centres de pouvoir. Ce faisant,
Versailles, en son ethos, ses espaces, sa mémoire, dévoile la tension à l'oeuvre entre l'Idée républicaine et l'imaginaire national, ce dernier
travaillé par des schèmes trifonctionnels inscrits dans l'histoire longue : à Versailles nous est conté par quels sortilèges le Tiers se fait Tout et
le Tout se divise en tiers. Versailles apparaît alors comme un camée dans lequel on peut détailler des structures mentales d'ampleur bien plus
vaste. Cette étude des représentations croisées de la ville, de la république et de la nation bénéficie d'une distance comparatiste inspirée
notamment par la longue familiarité de l'auteur avec le monde chinois. Essai d'anthropologie politique, l'ouvrage ambitionne d'éclairer comment
sont négociés les frontières, les symboles et la charge sacrale des identités collectives. Versailles demeure l'un des sites où se dévoile le plus
clairement la façon dont le corps social s'engendre et se célèbre en une invention continue.
Benoît Vermander est professeur de sciences religieuses à l'université Fudan de Shanghai. Docteur en science politique et en théologie, il a
publié plusieurs ouvrages à l'entrecroisement de ces disciplines, s'intéressant aux rituels, récits et croyances par lesquels des communautés
de taille variable forgent et maintiennent leur vivre-ensemble. Après de nombreuses études consacrées à la Chine, l'auteur réalise ici un « retour
aux sources ».