Prix Nobel de littérature 2018
Man Booker International Prize 2018
« Alors, remue-toi, balance-toi, cours, file ! Si t'oublies ça, si tu t'arrêtes, il va t'attraper avec ses grosses pattes velues et faire de toi une
marionnette. Il t'empestera de son haleine qui sent la fumée, les gaz d'échappement et les décharges de la ville. Il va transformer ton âme
multicolore en une petite âme toute raplapla, découpée dans du papier journal. » La clocharde du métro de Moscou qui parle ici appartient aux
Bieguny (les marcheurs ou pérégrins), une secte de l'ancienne Russie, pour qui le fait de rester au même endroit rendait l'homme plus
vulnérable aux attaques du Mal, tandis qu'un déplacement incessant le mettait sur la voie du Salut.
En une myriade de textes courts, Les Pérégrins, sans doute le meilleur livre d'Olga Tokarczuk, compose un panorama coloré du nomadisme
moderne. Routards, mères de famille en rupture de ban, conducteur de ferry qui met enfin le cap sur le grand large : qu'ils soient fuyards ou
conquérants, les personnages sont aux prises avec leur liberté, mais aussi avec le temps. Et ce sont les traces de notre lutte avec le temps que
relève l'auteur aux quatre coins du monde : depuis les figures de cire des musées d'anatomie jusqu'aux méandres de l'Internet, en passant par
les cartes et plans.
À travers les lieux et les non-lieux de ses voyages, Olga Tokarczuk a rassemblé des histoires, des images et des situations qui nous éclairent
sur un monde à la fois connu et absolument mystérieux, mouvant réseau de flux et de correspondances... Sans jamais nous laisser oublier que
« le but des pérégrinations est d'aller à la rencontre d'un autre pérégrin ».