Le Grand Dauphin, fils aîné de Louis XIV, vécut quarante-neuf ans dans l'ombre du Roi Soleil, attendant un trône auquel il n'accéda jamais. En
1711, quatre ans avant son père, il disparaissait dans son somptueux domaine de Meudon.Jusqu'à ce jour, il n'existe aucune étude consacrée à
ce prince pourtant si central dans une monarchie héréditaire. Seul enfant légitime de Louis XIV à survivre, sur lui reposait tout l'édifice politique
construit patiemment par le roi. Prince insaisissable pour bien de ses contemporains, décrié même à cause de son impossible autonomie à l'
égard de son père, il fut pourtant essentiel à un souverain qui gagnait avec lui une succession certaine et le bien le plus précieux : le temps
politique.Suivre pas à pas la vie de cet homme, c'est donc se plonger dans la machinerie intellectuelle, symbolique et logistique de la monarchie
absolue. Le dauphin hérita en effet du rêve politique de Louis XIV, une souveraineté dont les ressorts étaient moins la contrainte absolue
exercée sur les sujets que leur adhésion intime à une autorité incontestable. Comprendre l'existence que mena le dauphin c'est donc tour à tour
réfléchir à la spécificité d'un régime qui pesa si lourd dans la culture politique française, la fabrication d'un souverain, les contraintes pesant sur
la vie d'un héritier dans un régime qui avait érigé l'unicité de la souveraineté en dogme absolu et enfin mieux comprendre un règne si long qu'il
enjamba trois générations, celle de Louis XIV, celle de son fils, puis celle de son petit-fils, le duc de Bourgogne, disparu lui aussi avant le roi, en
1712.