Les auteurs capables de porter la polémique sur 300 pages et sur des sujets de fond ne sont pas légion. Frédéric Lordon est de ceux-là. Bénéficiant du point de vue de Sirius du chercheur, il peut tout à loisir ne pas se préoccuper de trouver des compromis opérationnels pour forger le monde de l'après-crise. Mais plutôt proposer un autre système fait d'une économie organisée sur des bases régionales au degré d'ouverture "modulé", d'un monde de l'entreprise qui verrait "borner autoritairement l'exigence actionnariale de rentabilité indéfiniment croissante", qui redonnerait trois points de valeur ajouté aux salariés et qui verrait le crédit distribué par des entités ni privées ni publiques mais contrôlées par l'ensemble des parties prenantes dans le cadre d'un "système socialisé du crédit".
Frédéric Lordon nous livre ainsi au fil des pages ses propositions générales, en même temps que son dégoût, aux accents de procureur, des banquiers, des traders, des économistes, des journalistes, des hommes politiques de la gauche (socialiste), des commissaires européens, etc. Ils ne lui inspirent que nausées, une volonté d'être le porte-parole de ceux qui ont "envie de tout casser", voire pour "les grands malades qui ont rendu cette Europe irréparable de les sortir à coup de lattes dans le train". Une posture et un ton qui rendent difficiles le débat et la recherche de compromis. Ce qui n'est pas un véritable souci pour l'auteur, qui semble moins tenté de changer le monde que d'y mettre le feu.