Jeune poète danois, Malte Laurids Brigge arpente le pavé parisien à la recherche de la réalité. Une réalité crue, qui sent «l'iodoforme, la graisse de pommes frites, la peur».
Autour de lui, on meurt dans l'anonymat et le vacarme de la métropole, on se déchire au détour d'une ruelle sans même prêter attention à sa présence.
Qu'elle est loin, la douce harmonie d'une enfance passée dans un château bordant la mer Baltique...
Chaque visage déformé par la misère s'imprime de façon indélébile dans l'âme de Malte, qui veut tout voir, tout entendre et tout éprouver.
Cette terrifiante expérience rend criante une vérité que son éducation avait cherché à occulter : la mort est une chose que chaque être porte en lui.
Malte écrit pour conjurer ses angoisses, sans se détourner de la violence du monde car l'épreuve de l'art ne se satisfait pas de faux-semblants.
Double fantomatique de Rilke, le personnage des ces «Cahiers» symbolise la difficulté d'écrire et l'aspect destructeur d'une telle entreprise.
Le poète se doit de recevoir le monde, en a-t-il pour autant la force? Comme le dira plus tard René Char :
«La lucidité est la blessure la plus proche du soleil.»
Premier roman de la modernité ou grand poème en prose ? «Les Carnets de Malte Laurids Brigge» tiennent plutôt de la mosaïque ou de la tapisserie.
Au centre, la Dame rassemble toutes les autres dames, du temps jadis ou des temps modernes.
Au début et à la fin, l'enfance et ses terreurs, l'Invisible devenu visible sous la forme de fantôme, et l'Invisible caché de la solitude intérieure.
Entre les deux, la trame de la mort, l'angoisse, la maladie, la folie, le meurtre, et la chaîne de la foi, de l'amour, du désintéressement et de la sainteté.