Chaque vie est enfermée entre deux dates comme un cadavre entre les planches d'un cercueil. Au cimetière du Père-Lachaise, division 85, se trouve une sépulture, sobre et triste comme tant d'autres. Si elle renferme les restes de «la plus belle femme [de son] siècle», l'inscription laconique gravée dans la pierre ne dit rien que : Virginia Oldoïni/ Comtesse Vérasis de Castiglione/ 1837-1899. A la césure de ces chiffres, dans l'interstice de ce tiret muet, une vie engloutie, condensée. C'est à son déploiement, à la manière des fleurs de papier japonaises, que va s'attacher ce livre. L'intéressée avait elle-même fourni un grossier fil conducteur à une trajectoire qu'elle inscrivait, à quarante-cinq ans seulement, sous le signe de l'échec en découpant sa destinée en trois périodes : «quinze années d'enfance, quinze de jeunesse, quinze de vieillesse». Cette dernière allait s'avérer la plus longue...