Archives des sciences physiques et naturelles, Genève.
1919, pp. 186-216, 561-588 ; 1920, pp. 214-231, 325-350.
La connaissance de l'astronomie antique n'est pas seulement nécessaire pour l'étude des procédés techniques, mais encore pour celle des croyances cosmologiques qui sont à la base de la civilisation chinoise. L'astronomie est, en effet, l'élément primordial de cette civilisation et toutes les idées générales en matière religieuse, philosophique, politique, sociale ou scientifique se sont cristallisées dans le moule fourni par la contemplation du ciel : le pôle, centre immobile trônant au milieu de la région circompolaire ; et les quatre quartiers du firmament qui correspondent aux quatre saisons et plongent alternativement sous l'horizon. Le respect religieux inspiré dès les plus lointaines origines par ce concept quinaire l'a imposé, comme une sorte de formule magique exprimant le secret de l'univers. Ce lien commun aux divers modes de la pensée chinoise a créé, dès la plus haute antiquité, le sentiment confus d'un déterminisme physico-moral universel auquel président d'une part l'Être suprême (Chang-ti, T'ai-yi) symbolisé par l'étoile polaire gouvernant les quatre régions du firmament, d'autre part le Fils du Ciel, son vicaire ici-bas, gouvernant les quatre régions de la Terre.
C'est précisément cette conception déterministe � d'après laquelle les rites, à base astronomique, accomplis par le Fils du Ciel, jouaient un grand rôle dans le maintien de l'ordre universel � qui sert de substratum à la doctrine de Confucius. C'est elle aussi qui a inspiré la théorie des cinq éléments, la chimie de l'antiquité, où quatre éléments périphériques (eau, feu, bois, métal) se combinent avec l'élément central terre. C'est elle qui a inspiré le traité philosophique Hong-fan (12e siècle avant notre ère) où les notions morales et physiques se groupent suivant le schéma quinaire. C'est elle qui inspire la théorie musicale, où quatre notes périphériques se groupent autour de la note centrale. Même lorsque la forme n'est pas quinaire, comme c'est le cas dans la théorie dualistique du yin et du yang qui représente la physique de l'antiquité, et comme dans le cycle des douze animaux, la doctrine est toujours d'ordre physico-astronomique.