En décembre 2005, dix-neuf des historiens les plus réputés de notre pays exigèrent l'abrogation de plusieurs lois en vigueur. La cause devait être grave pour que des professeurs au Collège de France, des membres de l'Académie française, des érudits respectés, des auteurs à succès et un ancien ministre jugent que la liberté d'expression se trouvait menacée par des textes « indignes d'un régime démocratique ». De quoi s'agissait-il ? D'abord d'une disposition, en vérité vite abrogée, enjoignant aux enseignants de souligner « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Puis de deux lois votées quatre ans plus tôt à l'unanimité par le Parlement : l'une qualifie l'esclavage de crime contre l'humanité, l'autre reconnaît le génocide arménien intervenu en 1915. Enfin, et aussi, de la loi Gayssot, qui depuis 1990 réprime la négation publique de l'assassinat systématique des juifs d'Europe par les nazis et leurs complices. Rien là-dedans qui bride, empêche ou censure le travail du chercheur... sauf du chercheur négationniste. Marc Olivier Baruch tente de comprendre, en historien de l'État, les véritables raisons de cette émotion, avivée récemment par les débats sur la pénalisation de la négation du génocide arménien. Il est conduit à remonter aux années 1970 pour interpréter, en s'appuyant sur le droit, l'histoire et la science politique, de telles prises de position, inséparables de leur contexte : montée du Front national, procès Barbie, Touvier et Papon, émergence de l'impératif mémoriel, instrumentalisation politicienne de l'histoire... - le tout sur fond de remise en cause de l'héritage de la Seconde Guerre mondiale et de la geste gaulliste. Dans cette démarche, Marc Olivier Baruch se montre fidèle au précepte placé par Montesquieu au coeur de L'Esprit des lois : « Il faut éclairer l'histoire par les lois, et les lois par l'histoire. »