Le vent fauve ne souffle pas dans ce pays.
Un jour pâle et bleuté entre dans la chambre, la lumière douce de la fin de l'hiver. Paoli se retourne dans un demi-sommeil épaissi par les quatre bourbons de la veille. Les bruits familiers du petit matin normand vont et viennent derrière les volets entrouverts, mais c'est toujours le même cauchemar qui le retient dans sa nuit, intact, juste avant le réveil. Il le sait, pourtant, que le vent d'Adrar n'Awras souffle loin d'ici. Il entend la clochette vibrer sur la porte d'entrée du bar-tabac, la machine agricole à l'autre bout du village, les chiens qui aboient au passage du car scolaire, le piaillement des mésanges sur les branches de ses pommiers. En bas, les braises du feu qu'il a allumé avant de monter se coucher crépitent encore ; le tic-tac feutré de la pendule se confond avec le tintement de l'eau qui suinte de la gouttière percée, sur le parterre en brique. La radio s'est mise en marche et diffuse dans l'air humide les notes d'une Gnossienne qu'il connaît par coeur.